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Des baleines victimes de leur succès…

Etude d’impact éthologique sur les populations de baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) pendant la phase de reproduction à Tahiti et Moorea (Polynésie française) : Evaluation de l’impact des activités d’origine anthropique

Réalisée par
Dr BENET Agnès, Biologiste marin
Pour la Direction de l’environnement de la Polynésie française

Mots clés : Megaptera novaeangliae, whale-watching, pressions anthropiques, gestion, Polynésie

Résumé

Créé en 2002, le Sanctuaire des Mammifères Marins de Polynésie française accueille une vingtaine d’espèces de baleines et de dauphins sur ce territoire vaste comme l’Europe, ce qui caractérise une diversité biologique élevée. 

En Polynésie française, l’activité commerciale d’observation des baleines à bosse a débuté en 1992. Jusqu’en 1995, un seul opérateur pratiquait cette activité. Puis rapidement, le whale-watching s’est développé en Polynésie française comme dans les autres îles du Pacifique Sud. Depuis une quinzaine d’années, les activités touristiques d’observation des cétacés connaissent une croissance exponentielle, avec 45 prestataires en 2019 dont 29 bateaux à Moorea (Source : Lexpol.pf).
Les enjeux économiques et le développement de cette nouvelle activité ont pris une ampleur grandissante. 
Devant une activité éco-touristique abondante, en croissance et régulière auprès des baleines à bosse, à Tahiti et à Moorea, il est apparu nécessaire d’évaluer les pressions anthropiques exercées sur les baleines à bosse et les modifications associées aux comportements des animaux pendant la phase sensible de leur développement, la reproduction.

Face à ce constat, une étude est réalisée pour la Direction de l’environnement où les résultats alimentent leurs données permettant une gestion appropriée du sanctuaire en fonction de l’évolution de l’activité de whale-watching spécifiquement à Tahiti et à Moorea. L’intégralité de l’étude est à la DIREN dont voici quelques extraits.

L’objectif final est de limiter voire de supprimer les pressions dues à l’Homme pour la protection de ces espèces vulnérables dans un des plus grand sanctuaire au monde.

Un éthogramme des pressions anthropiques est établi avec les mesures chiffrées de l’impact de l’Homme sur le comportement des baleines et leur baleineau.

Ainsi, 9 réponses comportementales des baleines à bosse aux actions de l’Homme sont répertoriées et classées :l’acceptation et l’indifférence (absence d’impact négatif), la fuite, le déplacement vers le large, la sonde suivi d’un déplacement, le changement de direction, la mise en déplacement, la mise en sécurité du baleineau et le saut suivi d’un déplacement.

En moyenne, dans 64% (Tahiti) et 57% (Moorea) des cas, les baleines montrent des signes de dérangement significatifs.

Ces 8 dernières réactions présentent un impact négatif très dommageable pour les baleines à bosse dans la mesure où cela implique, entre autres, une perte d’énergie élevée et une mise en danger du baleineau. Par ailleurs, en Polynésie, les baleines adultes et juvéniles ne se nourrissent pas. D’autre part, en déplacement, le baleineau ne peut pas s’alimenter. Or, la majorité des observations concerne un couple mère-baleineau (53%).

Extrait de l’étude réalisée pour la DIREN

Les pressions anthropiques (dues à l’activité humaine) sont répertoriées ci-dessous pour les usagers de la mer en bateau à moteur et en jet-skis. A noter que d’un point de vue acoustique, un jet-ski au point-mort ou au ralenti est moins bruyant qu’un bateau à moteur. Son impact est donc moindre. A l’inverse, à grande vitesse et lors des accélérations, cette perturbation est plus élevée.
Le code de l’environnement indique que les déplacements doivent se faire à moins de 3 noeuds dans la zone d’observation (300 m autour des cétacés) afin de diminuer au maximum cette pression sur les animaux.

Extrait de l’étude réalisée pour la DIREN

Toute action implique une réaction. En éthologie, nous étudions donc la réaction des animaux soumis à une pression ici anthropique.
Comment les baleines réagissent-elles ? Quelle est leur réponse comportementale ? L’étude montre une différence de réaction avec mise à l’eau et sans mise à l’eau.

Acceptation = animal vient vers l’observateur
Indifférence : l’animal ne change pas son comportement
Extrait de l’étude réalisée pour la DIREN
Acceptation = animal vient vers l’observateur
Indifférence : l’animal ne change pas son comportement
Extrait de l’étude réalisée pour la DIREN

La réponse comportementale des baleines qui correspond à aucun impact négatif observé (indifférence et acceptation) est regroupée sous le terme de « indifférence ». 
Nous rappelons la définition du harcèlement ou dérangement en éthologie : « toute modification du comportement de l’animal induit par l’Homme ».

Ainsi, les actions les plus significatives d’un dérangement sont la pourchasse, se rapprocher à moins de 50 m, encercler les baleines et se déplacer à plus de 3 nœuds dans la zone d’observation

Par ailleurs, 42% (Tahiti) et 46% (Moorea) des observateurs se rapprochent à moins de 50 m, 31% des observateurs en bateaux à Tahiti dépassent la vitesse des 3 nœuds et 68% des jet-skis se déplacent arrivent et repartent à plus de 3 nœuds. 
Les règles d’approche du Code de l’environnement interdisent toutes ces actions depuis 2002. 

Extrait de l’étude réalisée pour la DIREN

Etude réalisée pour la Direction de l’environnement, 2019.